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Égée

(Monologue pour justaucorps à paillettes)

Création 2020 - 2021

Note d'intention

Ce texte, avant d’être une pièce de théâtre, ressemblerait plutôt à un spectacle complet.

Un spectacle écrit, musical. Une partition.

C’est un spectacle qui apprend à s'assumer comme tel, qui veut raconter le théâtre, raconter l’écriture d’un personnage.

 

Dès le début, le Stabat Mater de Vivaldi résonne, la musique se veut omniprésente. Elle

guide l’écriture, elle guide l’auteur, là-haut, dans les cintres.

Elle guide le personnage et ses envies.

C’est une matière mouvante, un mélange entre les envies de littérature et les turpitudes d’un

auteur.

Et Les Quatre Saisons recomposées par Max Richter sont le point culminant de ce

spectacle. Tout guide la pièce vers cela. Jusqu’au dernier acte, écrit en suivant la musique,

en suivant les intentions et les émotions qui transpirent.

 

Ce texte est issu de ce que les livres d'Histoire semblent avoir déjà nommé « Le Grand Confinement ». Après l'écriture d'Antigone, cette femme enfermée dans sa grotte en se sachant perdue, j'avais envie de pouvoir aussi parler de comment s'échapper, comment trouver une liberté dans ce qui nous contraint. Aller plus loin, rencontrer les spectateurs.

Pour autant, bien que l'effet d'enfermement fut une certaine forme de moteur, c'est surtout le temps qui m'était alloué à l'expression de toutes les idées accumulées au fils des mois qui fut bénéfique. Utiliser la situation sanitaire comme sujet de spectacle me semble encore impossible aujourd'hui, tout cela est tellement proche. Je préfère prendre du recul.

 

Égée prend du recul, cette pièce, ce personnage dit tout ce qu'Antigone n'a pas eu le temps de dire. Égée est plus mûre, son regard est honnête, sans filtre. L'humain est au centre. Tout ne revient plus qu'à cette essentialité, ce besoin de comprendre la vie pour comprendre la mort.

 

Dans le texte, l'auteur se réveille, il entre en lutte avec son personnage. Il tente de ramener Égée sur la piste de son idée première.

Il dit :

L’idée, c’était de te mettre dans une situation qui illustre le dilemme. Le plongeon. Un plongeon, ça illustre bien ça. La peur de se jeter à l'eau. La peur d’être humilié si on renonce. Et du coup, ça permettait de questionner l’hésitation. Comment sommes-nous lorsque nous hésitons ? Comment somme-nous lorsque nous prenons une décision ? Comment réfléchissons-nous ? Comment agissons-nous quand nous sommes

seuls ? Et comment ça se passe quand nous sommes avec les autres ? Regardé par les autres ? Et aussi, que se passe-t-il quand il n’y a plus rien ? Que se passe-t-il quand la parole perd son sens. Quand elle perd son essentialité ? Qu’est-ce qui se cache derrière le silence ? 

 

Tout cela est vrai, toutes ces pistes m'ont mené vers la même direction, le personnage. Traiter l'idée de personnage, le rendre vrai, vivant à travers la comédienne. Mais demander aussi à la comédienne d'oublier son rituel de représentation. Lui demander d'abattre cette distanciation brechtienne (ou non, tout se dit maintenant), oublier qu'elle joue un texte et lui demander de ressentir au plus profond de sa chair ce que vit un personnage qui se sait prendre vie pour un public tout en se sachant mourant puisqu'il disparaît à la fin de la représentation. Le réflexion et la prise de conscience du personnage vont évidemment dans une lutte vers l'acceptation. Vers un regard que j'imagine profondément humain lorsqu'elle décide que sa mort fait partie de sa vie, lorsqu'elle accepte de disparaître après avoir vécu un moment unique, ce moment unique qui – par essence- fait une représentation.

 

Ce texte est aussi et avant tout un cri d’amour, une proposition, un défi pour Noëllie Thibault.

Tout est de sa faute.

Alors que j’écrivais ma précédente pièce, Antigone, c’est elle qui m’a titillé en me demandant pourquoi je ne lui écrivais pas un texte dans lequel elle pourrait porter un justaucorps à paillettes.

L’idée n’est pas tombée dans l’oreille d’un sourd. Il a fallu mûrir longuement, prendre des notes, se remémorer. Deux années. Se remémorer notre passé théâtral commun. Il n’est pas vieux ce passé. Il a dix ans. Mais en dix ans, nous en avons joué des pièces ensemble, nous en avons fait des improvisations, nous avons écris ensemble et l'un pour l'autre.

Tout cela a forcément nourri l’écriture de ce personnage, car derrière chaque mot, derrière

chaque action, ce sont toutes les choses que je vois dans la comédienne que je cherche à

retranscrire ici. Ce sont tous les défis que je la sais capable de remporter. C'est une envie profonde de montrer au plus grand nombre la richesse de cette comédienne.

 

Ce n’est peut-être, après tout, qu’un cri d’amour.

 

 

 

Arnaud Pontois-Blachère

Création 2020-2021

​

Texte et mise en scène: Arnaud Pontois-Blachère

​

Interprétation: Noëllie Thibault

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Durée estimée: 1h15

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